Somalie ? Vous avez dit Somalie ?

Publié le par Des @spaches

http://www.interet-general.info/IMG/Somalia-Mogadiscio-Islamistes-1.jpg           

 

 

      Un p'tit rappel des faits s'impose vraiment à l'entente du bruissement compatissant sur la toile:

 

SOMALIE  par Bernard Lugan :

 

La Somalie étant encore frappée par une famine, une nouvelle fois les médias déversent des images atroces accompagnées de commentaires dégoulinants de bons sentiments et chargés de reproches culpabilisateurs.

 

Pourtant, les deux principales causes répétitives sont clairement identifiées :

- Une guerre tribale que se livrent des clans historiquement rivaux.

- Une surpopulation suicidaire qui a détruit le fragile équilibre écologique régional. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement avec un taux de natalité brute de plus de 48% et un indice de fécondité par femme atteignant 6,76 enfants ?

 

Au moment où une intense campagne vise à préparer les esprits à une intervention, il est impératif de donner les clés du problème somalien tant il est vrai que seul le retour à l’histoire permet de tempérer les émois humanitaires :

 

1) La Somalie est en guerre depuis 1978. Le problème n’y est pas ethnique mais tribal, le grand ensemble ethnique somali qui occupe une vaste partie de la Corne de l’Afrique est en effet divisé en trois grands groupes (Darod, Irir et Saab), subdivisés en tribus, en clans et en sous clans qui se sont toujours opposés. Hier pour des points d’eau et des vols de chameaux, aujourd’hui pour des trafics plus « modernes ».

 

2) Le 15 octobre 1969, après l’assassinat du président Ali Shermake, le général Siyad Barre prit le pouvoir. C’était un Darod de la tribu Maheran. En 1977, il lança son armée dans l’aventureuse guerre de l’Ogaden. Dans un premier temps, l’armée éthiopienne fut balayée, puis l’offensive somalienne se transforma en déroute. Après cette défaite, les réalités tribales s’imposèrent avec encore plus de force qu’auparavant et le gouvernement ne fut plus désigné que sous l’abréviation MOD, qui signifiait Marehan-Ogadeni-Dhulbahante, à savoir les trois clans associés aux affaires.

 

3) Une terrible guerre tribale opposa ensuite les Darod entre eux. Finalement, la tribu Hawiyé l’emporta sur celle des Maheran et le 27 janvier 1991 le général Siyad Barre fut renversé.

 

4) La Somalie subit alors la loi de deux factions antagonistes du CSU (Congrès  somalien unifié), mouvement tribal des Hawiyé, qui éclata sur un critère clanique opposant le clan agbal d’Ali Mahdi Mohamed au clan Habar Gedir dirigé par le « général » Mohamed Farah Aidid. Dans le nord du pays, le 18 mai 1991, le Somaliland, ancien protectorat britannique, se déclara indépendant.

 

5) La guerre des milices provoqua une atroce famine et l’opinion américaine se mobilisa. En France le docteur Kouchner lança la campagne du « sac de riz pour la Somalie ». Puis, au mois de décembre 1992, un corps expéditionnaire  US débarqua dans une mise en scène théâtrale pour « rendre l’espoir » aux populations somaliennes. L’opération « Restore Hope » avait été déclenchée au nom d’une nouvelle doctrine inventée pour la circonstance, l’ingérence humanitaire, ce colonialisme des bons sentiments. Ce fut un échec cuisant et le 4 mai 1993, l’ONU prit le relais des Etats-Unis en faisant débarquer un corps expéditionnaire de 28.000 hommes. Le 5 juin, 23 Casques Bleus pakistanais furent tués par les miliciens du « général » Aidid et le 12 juin, un commando américain échoua dans une tentative de représailles contre le chef de guerre somalien. Le 3 octobre enfin, 18 soldats américains perdirent la vie dans l’affaire de la « chute du faucon noir ».

 

6) Au mois de mars 1994, à Nairobi, un accord de réconciliation fut signé entre les deux chefs hawiyé, mais il demeura lettre morte. A partir du mois d’août, l’anarchie fut totale, les hommes d’Ali Mahdi contrôlant le nord de Mogadiscio et ceux du « général » Aidid le sud. Le 22 août, 7 Casques Bleus indiens furent tués. Les Américains rembarquèrent alors, abandonnant dans le bourbier somalien le contingent de l’ONU composé de soldats pakistanais et bengalais. Le 28 février 1995, il fallut un nouveau débarquement baptisé opération « Bouclier unifié » pour extraire les malheureux devenus otages. L’ONU quittait  la Somalie sur un cuisant échec politique et militaire qui lui avait coûté 136 morts et 423 blessés.

 

7) Les clans somalis se retrouvèrent  alors entre eux et ils s’affrontèrent de plus belle. Le 1° août 1996, le « général » Aidid, grièvement blessé au combat mourût. Son fils Hussein Aidid lui succéda à la tête de son parti, le CSU/UNS (Congrès somalien unifié/Union nationale somalienne), c’est à dire sa milice tribale composée du noyau dur du sous clan des Saad, lui-même étant une sous division du clan des Habr Gedir de la tribu hawiyé. Dans le sud du pays, les miliciens de Hussein Aidid s’opposèrent aux Rahanwein, ces derniers s’affrontant ensuite en fonction de leur appartenance clanique tandis que dans le nord-est, plusieurs composantes des Darod dirigées par Abdullahi Yussuf Ahmed créaient au mois d’août 1998 une région autonome baptisée  Puntland.

 

8) En 2004, après d’interminables discussions entre les factions claniques, un accord  de partage du pouvoir fut trouvé, mais leGouvernement Fédéral de Transition, incapable de s’installer en Somalie fut contraint de « gouverner » depuis le Kenya.

 

9) Puis un nouveau mouvement fit son apparition sur la scène somalienne, les Tribunaux islamiques dont les milices, les Shababs (Jeunes) menacèrent de prendre Mogadiscio. Au mois de décembre 2006, pour les en empêcher, l’armée éthiopienne entra en Somalie sans mandat international, mais encouragée par les Etats-Unis.

 

10) Par le vote de la Résolution 1744 en date du 21 février 2007, le Conseil de sécurité de l’ONU autorisa ensuite le déploiement d’une mission de l’Union Africaine, l’AMISOM. L’UA avait prévu qu’elle serait composée de 8000 hommes, or les pays volontaires ne se bousculèrent pas.

Depuis, à l’exception du Somaliland et dans une mesure moindre du Puntland, les islamistes contrôlent  la majeure partie du pays. Or, pour eux, la famine est une véritable aubaine car :

- Elle va leur permettre d’être reconnus par la « communauté  internationale » qui devra traiter avec eux pour l’acheminement de l’aide alimentaire.

- Elle va leur permettre d’achever la prise de contrôle du pays.

- Elle va leur permettre de tirer de juteux profits des détournements de cette aide, comme cela avait été le cas lors de la grande famine d’Ethiopie dans les années 1984-1985.

 

 

Autre article sur le fond :  La famine en Afrique, encore par !  Par  Catherine Morand

 

Et c’est reparti: des images d’enfants squelettiques, des vieillards filiformes, prêts à rendre l’âme, des images quasiment bibliques, qui renforcent un sentiment de fatalité, de malédiction. L’Afrique serait-elle maudite pour donner à voir, aussi régulièrement, des drames aussi épouvantables? A partir de là, on remercie les
dieux d’être nés du bon côté. Ou alors, on se dit que non, ces hordes de miséreux affamés ne sortent pas de nulle part, qu’il doit bien il y avoir des explications à tout cela, et pas seulement d’ordre climatique.
Certes, en Somalie, des chefs de guerre, soutenus par toutes sortes d’intérêts, s’affrontent depuis des lustres; un gouvernement islamiste, qui avait tenté de mettre de l’ordre fin 2006, avait même eu l’honneur de bombardements de la part des Américains, qui voyaient derrière celui-ci la main d’Al-Qaïda. La Somalie, toute déglinguée qu’elle est, n’échappe pas à la géostratégie mondiale, à la «lutte contre le terrorisme».
Et pas non plus au FMI et à la Banque mondiale dont le programme de réformes imposées au début des années 1980 pour cause d’endettement avait
largement contribué à désintégrer l’Etat, tout comme la paysannerie locale, aussitôt submergée par les surplus agricoles des pays occidentaux, ainsi que l’élevage, puisque les services vétérinaires fournis par l’Etat furent démantelés et privatisés.
Pourquoi revenir sur ces histoires anciennes? Hé bien parce que cela a des conséquences jusqu’à aujourd’hui, y compris au niveau de la structure de l’Etat. Le «moins d’Etat» néolibéral s’est soldé par un Etat croupion dans de nombreux pays, la Somalie incarnant le rêve absolu d’une certaine idéologie puisqu’il n’y a plus d’Etat du tout. Aujourd’hui, ce pays martyr a l’honneur de figurer dans la catégorie des Etats «faillis», suite logique de la qualification d’ «Etat fragile», très en vogue.
Jusqu’à la fin des années 1970, il existait une véritable volonté politique de la part des Etats africains – et d’ailleurs – de parvenir à l’autosuffisance alimentaire. Des moyens financiers étaient dégagés pour le secteur agricole et l’élevage, qui occupent jusqu’à 80% de la population. Mais les programmes d’ajustement structurels du FMI et de la Banque mondiale, au nom du libre-échange et du marché tout-puissant, ont exigé la suppression de la totalité des appuis à leur propre agriculture mis en place par ces Etats.
Les paysans et les éleveurs africains ont alors été asphyxiés, ruinés, déstructurés par la concurrence déloyale de produits agricoles et d’élevages issus des agricultures largement subventionnées des pays européens et américains, qui bradent leurs surplus à des «prix cassés» et inondent les marchés des capitales comme des villages les plus reculés. Résultat des courses: des paysans qui ne peuvent plus vivre du produit de leur travail quittent leur terre, ou s’en font chasser manu militari par leurs édiles, qui la bradent au plus offrant.
Ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’accaparement des terres est le stade ultime de cette évolution: des millions d’hectares de terre africaine sont achetés, loués, par des pays ou des firmes étrangères pour y cultiver du riz qui sera rapatrié en Chine, de la canne à sucre ou du palmier à huile qui seront transformés en agrocarburants. Dans l’Ethiopie d’aujourd’hui, frappée elle aussi par la famine, des millions d’hectares fertiles servent précisément à cultiver des agrocarburants.
Après avoir interdit aux Etats africains de soutenir leur propre agriculture, après que la Banque mondiale, en 2008, ait fait son mea culpa en reconnaissant qu’elle s’était trompée – un comble! –, on est désormais assourdi par des appels au secteur privé pour investir dans l’agriculture en Afrique. Non pas pour soutenir les paysans et les éleveurs locaux, non, non, je vous rassure tout de suite; mais bel et bien pour ouvrir toutes grandes les portes du continent à l’agrobusiness, aux agrocarburants et aux OGM. L’Afrique n’a pas fini d’avoir faim.

 

 

 

 

En bonus, un p'tit film d'après un fait reel de octobre 1993 juste histoire de ... :

 

La Chute du faucon noir

 

 

 

( Le film en Stream ... )

 

Le 3 octobre 1993, avec l'appui des Nations Unies, une centaine de marines américains de la Task Force Ranger est envoyée en mission à Mogadiscio, en Somalie, pour assurer le maintien de la paix et capturer les deux principaux lieutenants et quelques autres associés de Mohamed Farrah Aidid, un chef de guerre local. Cette opération de routine vire rapidement au cauchemar lorsque les militaires sont pris pour cibles par les factions armées rebelles et la population, résolument hostiles à toute présence étrangère sur leur territoire.

 

 

Au fait ... Et les armes ?

 

 

Publié dans ___ COGIT@TIONS

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